Metz en librairie

21 décembre 2016

Patrimoine, photos, histoire, polar : Metz ne cesse de se prêter à toutes sortes de littératures : petite sélection d’idées-cadeaux... 

Belle de nuit

Plus encore à l’ère du numérique et des technologies mobiles, on pense avoir vu Metz sous tous les angles, toutes les coutures, dans tous ses états et dans tous ses éclats, sous le soleil comme à la nuit tombée, d’hiver en été. Rassemblées dans un bel album et légendées par la plume avantageuse de Michel Genson, les photographies de Vincent Gross nous prouvent qu’au contraire, on n’avait encore rien vu ! Arpenteur nocturne de sa propre ville, il en saisit alors les paysages, ici au fil de l’eau, là sous la neige, vieux bâtiments de pierres dans leur écrin de lumière, façades récentes aux matières et aux manières contemporaines.

Nuits de magie, magie de l’artiste : atteint de la maladie de Parkinson, Vincent Gross n’est pas un photographe comme les autres. À la recherche du bon angle, à la démarche esthétique, il adjoint sa résistance contre la maladie et son combat contre les cahots du corps. Un exercice accompli avec une épatante maîtrise, dont l’homme ne sort pas seul vainqueur : la ville, magnifiée, se montre sous son meilleur jour, si l’on ose dire : si vous pensez ne plus rien avoir à découvrir de la cathédrale, du temple neuf ou de la porte des Allemands, ce livre risque de vous ébranler !

  • Metz au-delà du regard, 168 pages, éditions du Quotidien, 29 euros

Enquête au passé recomposé

Gabriel Coudrelier est de retour : après Aveux mortuaires, voici Mémoires vives pour lettres mortes, la deuxième enquête du commissaire messin publiée aux éditions des Paraiges. Raoul Nèje, l’auteur, nous a salement amoché son héros pour ce tome deux : frappé par un drame personnel, Coudrelier touche le fond, entraînant le lecteur dans ses abîmes puis dans son retour à la surface. Là n’est pas le moindre des mérites de Raoul Nèje : celui d’avoir su créer l’empathie autour de son héros, grâce à un art consommé de la description à hauteur d’homme.

Reste l’intrigue, et son décor. Si l’enquête sur la mort violente d’un proxénète nous entraîne hors de Metz, c’est pour mieux y revenir : ceux qui ont connu les grandes heures de l’Abreuvoir, dans la rue du même nom, apprécieront l’évocation. Mémoires vives pour lettres mortes, c’est aussi un voyage dans le temps et, tout particulièrement, une plongée dans le passé si singulier de la Moselle. Voici l’autre coup de force de Raoul Nèje : croiser les époques, tendre les miroirs, mêler le destin de son héros à celui des protagonistes de l’affaire, les petites et la grande histoire en somme, sans jamais perdre le fil d’un récit parfois bouleversant et souvent haletant. Au final, un polar qui ravira les passionnés du genre, mais aussi les férus d’histoire et les amoureux de Metz. Ça fait du monde !

  • Mémoires vives pour lettres mortes, 220 pages, éditions des Paraiges, 17 euros

Le chaînon manquant

Le dossier de candidature au patrimoine mondial de l’Unesco le souligne avec acuité : le XVIIIe siècle (Metz royale) puis, de 1871 à 1918, la première annexion allemande (Metz impériale)  constituent deux périodes majeures dans l’histoire du développement de la ville. Au regard de ces deux époques ayant doté Metz de joyaux architecturaux aujourd’hui en lice pour une reconnaissance universelle, l’héritage de l’entre-deux guerres s’avère méconnu, sinon négligé, bien que marqué par le mouvement alors en action dans toute l’Europe : l’art décoChristiane Massel, Pierre Maurer et Christiane Pignon-Feller réparent cet oubli historique dans une somme de 300 pages parue aux éditions Serge Domini : Metz au temps de l’art déco – Urbanisme et architecture, 1919-1939.

Ce livre richement illustré et documenté décrit avec exhaustivité l’urbanisme et l’architecture de l’époque : bâtiments conjuguant art et industrie, simplicité et élégance, matériaux industriels et précieux, une période « riche et inventive qui fait le lien entre Metz impériale et la vague de modernité discutable de l’immédiat après-guerre » : « Nous appellerons cela le chaînon manquant à mettre en lumière dans l’histoire urbaine de Metz », écrivent les auteurs.

  • Metz au temps de l’art déco, 300 pages, Serge Domini éditeur, 45 euros (prix de lancement)

La vie quotidienne à Metz en 14-18

24 juillet 1914. « Effroi, appréhension bien légitime… » Dans son appartement de la rue de la Paix, une femme de la bourgeoisie messine entame sans le savoir encore l’écriture d’un journal qui deviendra le journal d’une guerre. Chaque jour, jusqu’au 11 novembre 1918, et en toute clandestinité une fois que le conflit aura éclaté, Jeanne Haas prendra sa plume pour décrire les événements tels qu’elle les subit à Metz, alors ville allemande : les bruits de la guerre, ceux des va-et-vient des soldats et des convois de blessés, ceux des canons tout proches, ceux des raids aériens de l’armée française, sans oublier les sonneries de la Mutte annonçant chaque victoire allemande… Sa chronique transcrit aussi des sentiments  partagés : la souffrance des habitants face aux restrictions alimentaires et leur découragement face à l’état de siège qui donne tout pouvoir aux militaires, face aussi à l’obligation de s’exprimer en allemand ; leur espoir aussi, au bout du compte, de voir Metz revenir à la France et la France à Metz.

 « Il était du devoir de l’historien de restituer à la ville et à ses habitants » ce véritable journal de la vie quotidienne des Messins de 1914 à 1918, écrit Pierre Brasme, qui introduit, met en perspective et complète ce document précieux, « ce témoignage réaliste » qui permet de suivre, « mois après mois, la détérioration des conditions de vie, et pas seulement dans la catégories les plus pauvres. » Ce journal alors sans lecteur, conservé depuis les années 1920 dans les archives de l’Académie de Metz, « ne demandait, écrit encore Pierre Brasme, qu’à servir un jour à la connaissance de la guerre vécue par les Messins ». Cent ans après, à l’initiative des éditions des Paraiges, c’est chose faite.

  • Metz, une ville dans la guerre, 1914-1918 – La vie quotidienne à travers le journal de Jeanne Haas. 240 pages, 28 euros