Hesse et Metz
Hesse et Metz
28 mars 2017
Local de l’étape lors du Livre à Metz du 6 au 9 avril, Thierry Hesse vient de réussir Le roman impossible, paru aux éditions de l’Olivier. "Chaque Messin, nous dit-il, porte en lui le poème de sa ville." Voici le sien.
Article paru dans Metz Mag n°75, mars à mai 2017, à la rubrique Metz & moi
Un quartier
« Je suis né rue du Faisan, au-dessus d’un magasin de meubles. La fenêtre de ma chambre donnait sur une boutique de confection dont l’enseigne, Au bonheur des dames, me laissait songeur. La bancale place de Chambre m’offrait son marché aux poissons, les bras nus des écaillères, le vieil hôtel des Voyageurs, et ce cabaret dont les photos de stripteaseuses étaient pudiquement punaisées. Tout cela a dessiné le quartier de mon enfance. Il me reste cher, même si ce qu’il était dans les années 60 et 70 n’existe plus vraiment. »
Un jardin
« Mon préféré n’est pas le plus aimable. Le jardin Bernard-Marie Koltès se tient, délaissé, à l’ombre de l’ancienne abbaye Saint-Clément, qui fut aussi un collège jésuite où Koltès étudia. Il n’aurait pas détesté, je crois, ce jardin minuscule, peu fleuri, fréquenté par des hommes sans attaches qui rappellent certains personnages de ses pièces. Koltès est notre Messin capital, et il a reçu en hommage ce tout petit bout de terre. C’est bien. »
Un bâtiment
« L’hôtel Saint-Livier, sur la colline Sainte-Croix. Cette forteresse à l’élégance italienne déborde par ses murs. Béatrice Josse, qui donna vie au FRAC, commanda en 1998 à l’artiste Kawamata une muraille de chaises qui allait emplir l’immense cour. De cette masse monumentale, quelque chose est né, qui bouscule encore la colline et la ville. En 2004, le FRAC prit ses quartiers à Saint-Livier, et Béatrice me proposa d’écrire son « historique » réinventé. Il est bon que différentes époques jubilent ensemble. »
Un roman
« Sur Metz, je n’en vois aucun de mémorable. Le très patriotique Colette Baudoche de Barrès ? Certains de mes livres se passent parfois ici, mais c’est un Metz fantomatique, plus fantasmé que réel. Au fond, nous habitons moins les lieux qu’ils n’habitent en nous. Chaque Messin porte en lui le poème de sa ville. »
Une personnalité
« L’histoire de Metz est surtout liée à des généraux, des évêques, des sportifs. Heureusement les chefs-d’œuvre de l’art sont aussi des personnes. Pour son exposition inaugurale, le Centre Pompidou a accueilli une Femme debout de Giacometti. Messine pendant huit mois, je garde d’elle un souvenir ému et durable. »
Une promenade
« J’aime grimper la rue des Murs en pensant que je suis à Rome, rejoindre la rue de la Glacière, celle de Chèvremont, puis du Vivier en me croyant dans des venelles de Prague, contempler plus loin le bel agencement classique de l’Opéra-Théâtre, mais je couvre mon œil gauche pour ne pas voir la gueule du temple. »
Un souhait
L’Ombre des femmes de Philippe Garrel, Les Chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao, The Assassin de Hou Hsiao-hsien, pour ne citer que les plus récents, sont des films que j’ai vus dans le petit cinéma de la rue du Palais et qui m’ont bouleversé par leur intelligence et leur beauté. Aucun autre cinéma messin ne les a programmés. Le Caméo va bientôt fermer et doit être remplacé par un cinéma « plus attractif ». Pourquoi pas ? Je souhaiterais que nous ne soyons pas amputés de cette intelligence et de cette beauté.
Chapitre 5
Professeur de philosophie au lycée de la Communication, Thierry Hesse est entré dans la carrière d’écrivain par la grande porte : en 2003, Le Cimetière américain lui avait valu le prix Robert-Walser qui récompense alternativement un premier roman français ou allemand. Depuis, Jura, Démon puis l’Inconscience ont installé Thierry Hesse parmi les écrivains français les plus régulièrement salués par la critique. Le Roman impossible écrit le chapitre 5 de son œuvre. Comme toujours, Thierry Hesse profite de cette histoire d’un écrivain en quête du livre idéal pour parler de sa ville, où il est né il y a 58 ans et où il enseigne depuis 25 ans. Début avril, il participera évidemment, en local de l’étape, au Livre à Metz, « un simple salon du livre devenu depuis quelques années un véritable festival montrant une littérature vivante. »
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