Sublime, forcément sublime
7 mars 2016
Jusqu'au 5 septembre, le Centre Pompidou-Metz explore ce que Victor Hugo appelait "la nature trop loin", ou comment les déchaînements du monde puis la conscience environnementale ont fasciné et inspiré les artistes. Sublime !
Les artistes sont des humains comme les autres, fascinés par les déchaînements de la nature - tempête, océan démonté, volcan réveillé, séisme, cyclone... Dans cette fascination, l'attraction le dispute à la répulsion. Avant de figurer ce qui se révèle plus beau que beau, le mot "sublime" caractérisait la sensation ambivalente de l'homme face aux manifestations des éléments, "cette passion mêlée de terreur et de surprise", pour reprendre la définition proposée, au 18e siècle, par le philosophe Edmund Burke. "Sublime" donne donc son titre à l'exposition qui, depuis le 11 février et jusqu'au 5 septembre, au Centre Pompidou-Metz, montre avec brio et force documentation comment "les tremblements du monde" ont agité le monde de l'art comme les enjeux environnementaux nous préoccupent aujourd'hui.
Turner et De Vinci
D'ailleurs, de la représentation de ce que Victor Hugo appelait "la nature trop loin" aux traductions d'une prise de conscience écologique, le parcours à travers la galerie 1 du centre d'art messin propose près de 300 oeuvres d'une centaine d'artistes. Parmi ce panorama riche et saisissant, une toile de William Turner retranscrit la confusion des éléments, la beauté d'un paysage marin sur fond de tempête qui approche, puis les 482 cartes postales de Susan Hiller tout autour de l'Angleterre montrent le sublime accessible à tous ; en ravageant des plans de Londres, Cornella Parker formule la peur que le ciel ne nous tombe sur la tête, pendant qu'à l'écran tourne en boucle un extrait de Melancholia, où les personnages de Lars Von Trier assistent à une danse macabre entre la Terre et Saturne. Pour nourrir les imaginaires de la catastrophe, l'exposition présente même trois dessins de déluge dus à Leonard De Vinci, et prêtés - excusez du peu - par la reine Elisabeth II herself !
Terrible beauté
Au rythme où Sublime remonte le temps, des photographies illustrent les tragédies infligées aux paysages, comme, dans l'objectif de Darren Almond, la terrible beauté des plaines de Sibérie dont les forêts sont ravagées par les pluies acides générées par les travaux d'extraction du nickel. Du coup, l'exposition s'attarde sur l'affirmation d'une cause écologique, incarnée par les couvertures de revues spécialisées, par des affiches militantes, tandis que la recherche d'alternatives stimule un imaginaire fertile, où se mêlent et s'entrechoquent science-fiction et recherche appliquée. Richard Buckminster Füller a imaginé un dôme recouvrant Manhattan, et Jacques Rougerie un village sous-marin immergé à 40 mètres de profondeur... La transition est toute trouvée avec la dernière séquence de Sublime, où il est question d'un réanchantement poétique, d'un apaisement entre l'être et l'univers...
Under the water
En prolongement de Sublime, la galerie 2 accueille Under the water, la vague gigantesque de Tadashi Kawamata, oeuvre magistrale, composée de débris de bois suspendus au-dessus des visiteurs : une évocation du tsunami qui, en 2011, a plongé le Japon d'où est originaire l'artiste dans l'effroi et la stupeur, la stupeur et les tremblements.
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