Royale, impériale et...animée !

14 septembre 2016

Défi au long cours, la candidature de Metz royale et impériale au patrimoine mondial de l’Unesco produit ses premiers effets : elle met en lumière la richesse des joyaux messins et suscite un élan fédérateur. Un engouement renforcé par la volonté constante de donner vie aux places, aux monuments, aux bâtiments, comme les Fêtes de la Mirabelle viennent de le démontrer avec brio.

 

Article paru dans Metz Mag #72 de septembre-octobre 2016 - Extrait du dossier "Le patrimoine en lumière"

 

Fêtes de la Mirabelle, vendredi 26 août, 21h30. Alors même que les stands du village installé depuis une semaine sur la place d’Armes – Jacques-François Blondel ne désemplissent pas, des milliers de personnes convergent vers la place Jean-Paul-II. Ici, au pied de la cathédrale, le public est convié à lever les yeux au ciel : les artistes de la compagnie Transe Express proposent leur ballet céleste : c’est féérique, onirique, magique, les qualificatifs affluent comme les spectateurs. Peut-être parce que le décor enchante aussi : le jeu d’ombres et de lumières sur les façades en pierre de Jaumont des bâtiments dessinés par Blondel, l’envol des acrobates au-dessus du portail gothique dû à Paul Tornow, c’est un peu comme si ce spectacle avait justement  été écrit pour exalter l’infinie beauté des lieux. L’avant-veille, c’est la façade nord de la cathédrale qui avait servi de toile de fond à une autre performance aérienne, celle de la Sieste cubaine, comme la place de la Comédie le lundi, la place Saint-Louis le mardi… L’été est chaud, l’été est show.

Comme les marchés de Noël ou la Saint-Nicolas à une toute autre saison, comme le festival Ondes Messines fin juin ou Hop hop hop à la mi-juillet, ces temps forts animent la ville, rassemblent les habitants et charment les visiteurs. Ils remplissent une autre fonction : celle de donner vie aux joyaux de l’architecture messine, contribuant ainsi au mouvement d’appropriation de la ville par ses habitants. Ce phénomène n’est pas toujours allé de soi, compte-tenu de la complexité de l’histoire, de l’héritage laissé dans la pierre par l’identité singulière d’une ville longtemps ballotée par les tourments de l’histoire, un jour française, le lendemain allemande.

Relire Barrès...

Il faut relire ce qu’écrivait Maurice Barrès, dans Colette Baudoche, en 1913, à propos de la gare alors fraîchement construite selon les souhaits de l’empereur Guillaume-II : « Rien ne s’élance, tout est retenu, accroupi, tassé sous un couvercle d’un prodigieux vert-épinard. On y salue une ambition digne d’une cathédrale, et ce n’est qu’une tourte, un immense pâté de viande. La prétention et le manque de goût apparaissent mieux encore dans les détails… » Il faut relire Barrès, oui, pour mesurer tout le chemin parcouru jusqu’au soir où les Messins accourent pour une séance de cinéma en plein air, sur le parvis de cette gare, comme en juillet dernier, ou jusqu’au jour où ils font visiter les lieux à leurs connaissances de passage à Metz, comme on fait découvrir un musée, un château, une église !

Cette nouvelle façon de considérer la double identité messine et ses effets sur la ville trouve son résumé, et son prolongement, dans l’intitulé de la candidature au patrimoine mondial de l’Unesco : Metz royale et impériale. Pensé et constitué dans le but évident de mettre en valeur l’héritage architectural et urbain, le dossier a d’abord passé, en 2014, un premier cap : la France avait alors retenu Metz sur la liste des biens qu’elle entend soumettre à l’Unesco. Une deuxième étape vient d’être franchie, au printemps dernier, avec le passage devant le comité des biens français : d’autres suivront, comme autant de haies à franchir sur la piste d’un succès espéré, au bout d’une course de longue haleine.

« Inaltérable élégance »

En attendant, cette démarche accompagnée d’une très active campagne de promotion suscite de premières retombées : retombées médiatiques, avec une multitude de reportages sur le web, à la télévision, à la radio, dans les journaux ; retombées populaires, comme en témoignent les 4 000 soutiens déjà engrangés au sein du comité mis en place en avril et présidé par Robert Badinter. Un site internet lancé dans le même temps permet à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent d’ajouter leur nom à la liste ; on y lit entre autres les messages de nombreuses personnalités se joignant à l’élan messin, comme Philippe Starck, dont l’hôtel bientôt construit dans le quartier de l’Amphithéâtre ajoutera sa griffe à toutes celles des grands architectes qui, depuis plus de deux mille ans, ont façonné la ville. « Metz, résume Starck dans son message de soutien, est l’inaltérable élégance. » Tout est dit !

À travers cet engouement au service de la cause, Metz se trouve aussi confortée dans sa volonté d’élever le patrimoine au rang de projet politique, une volonté illustrée en 2009 par la création d’un service entièrement dédié à ce domaine, composé de 5 personnes et doté, en 2016, d’un budget d’investissement de 1,4 million d’euros. Son rôle premier : veiller, bien sûr, à la gestion, à l’entretien, à la protection et à la restauration du patrimoine culturel local.

37 édifices dont 18 classés

En 7 ans, sous sa conduite, ont été menés à bien les travaux de restauration des extérieurs de l’église Notre-Dame, au cours desquels ont été découverts, dans les combles, d’anciens vitraux exceptionnels de Laurent-Charles Maréchal, qui ont donc ensuite repris place dans l’édifice ; la rénovation du clocher de l’église Saint-Martin ; la restauration du chevet de la basilique Saint-Vincent et, achevée cet été, celle des extérieurs de l’église Saint-Eucaire. Sans oublier, évidemment, le chantier littéralement monumental de la porte des Allemands (lire notre reportage en cliquant ici), complété par l’entretien et la mise en valeur, en contre-bas, de la caponnière Dex. Dans les années à venir, le cloître des Récollets, l’église Sainte-Ségolène, le parvis de l’église Saint-Eucaire et le temple neuf bénéficieront à leur tour des mêmes soins…

À histoire singulière, patrimoine exceptionnel, en effet : de 22 hectares jusqu’alors, le secteur protégé a vu sa surface multipliée par 7 en 2010, pour atteindre 163 hectares, ce qui représente 37 édifices dont 18 classés ou inscrits au titre des Monuments historiques : l’année suivante, Metz décrochait le label de ville d’art et d’histoire. Depuis, l’action menée ne cesse de valider cette étiquette, car le travail ne s’arrête pas aux chantiers de rénovation : expositions, visites, ateliers pédagogiques fleurissent en des lieux aussi emblématiques et bien repérés que la basilique Saint-Vincent (qui, depuis 2012, n’est plus un lieu de culte), la porte des Allemands, l’église des Trinitaires ou encore, le cloître des Récollets. En la matière, les Journées du patrimoine offrent une fois l’an un parfait condensé de l’ampleur des ressources messines !

Ouvert, valorisé, animé, en un mot vivant, le patrimoine porte en lui l’âme et l’identité d’une ville, mais aussi son avenir : fruit de l’imagination d’un des architectes actuellement les plus en vogue, Rudy Ricciotti, la BAM, inaugurée en 2014 dans le quartier de Borny, relève aussi du patrimoine, donc des compétences du service qui veille, d’une certaine manière, sur la ville d’hier, d’aujourd’hui et de demain.