Robert Schad : "Ici, on se sent dans l'Histoire"

15 juin 2018

Des jardins Jean-Marie Pelt à la place de Chambre en passant par le quartier Outre-Seille, 21 sculptures de l’artiste allemand Robert Schad forment, pour Constellations de Metz, un parcours d’œuvres monumentales. Rencontre avec un géant de l’acier.

Petit à petit, les Messins découvrent les silhouettes d’acier façonnées par Robert Schad, réparties sur un parcours d’un peu plus de trois kilomètres, depuis le bas de la cathédrale, place de Chambre, jusqu’au quartier de l’Amphithéâtre et les allées des jardins Jean-Marie Pelt. Les œuvres sont à l’image de leur auteur : monumentales. Chacun dans son registre : robuste pour l’artiste de chair et de muscles ; élancées et gracieuses pour les sculptures d’acier.

Vendredi 15 juin, à la porte des Allemands, où ont pris place 7 des 21 sculptures du parcours, nous avons rencontré l’artiste allemand qui, à 65 ans, vit aujourd’hui en Franche-Comté. En pleine installation de ses œuvres, il nous explique sa propre vision de cette exposition XXL, définit le rôle de ses sculptures et de l’acier, et livre ses premières impressions sur Metz, son port d’attache pour l’été…

Comment sélectionnez-vous les œuvres qui constituent un tel parcours tracé en ville ?

Robert Schad : « Elles sont extraites de l’exposition itinérante qui, actuellement, voyage sans doute le plus à travers l’Europe : elle a d’abord été montrée en Allemagne, puis en Autriche, en Italie, de nouveau en Allemagne, ensuite en France, en Bretagne, enfin au Portugal. Ici, elle est scindée en deux : une partie à Metz, une autre à Sarrelouis. Je tenais beaucoup à ce pont culturel et je suis déjà content de voir l’intérêt des maires des deux villes pour cette initiative qui va dans le sens d’échanges accrus entre les deux pays. Pour répondre à votre question, je pars du principe que les œuvres doivent s’intégrer au lieu. Ici, les couleurs de la ville correspondent à celles des sculptures, au point pour certaines de donner l’impression d’être là depuis toujours ! Place de Chambre, par exemple, le contact de Zmorg avec la cathédrale est important, pour l’aspect gothique de cette sculpture. »

Vous définissez l’acier, composante de vos œuvres, comme « le matériau du rêve ». Pourquoi ?

« Parce qu’il a rendu possible le rêve de l’infini : c’est avec lui que la tour Eiffel ou les ponts qui enjambent le Douro à Porto ont pu voir le jour. C’est le matériau de la construction, la base de la vie moderne à partir de la deuxième moitié du 19e siècle. Extraction et transformation de ses composants, production de l’acier : je prolonge ce processus en le rendant à la nature à travers un dialogue entre mes sculptures et leur environnement. Et pourtant, ce n’est plus un matériau très populaire auprès des jeunes générations de sculpteurs, qui disent que tout a déjà été fait. Il faut en pénétrer l’âme pour en mesurer l’importance, surtout à l’heure du digital et du virtuel. »

"Une véritable chorégraphie"

Ce parcours messin s’inscrit justement dans un festival proposant notamment trois autres parcours artistiques. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

« Beaucoup de curiosité ! J’ai hâte de voir comment tout cela va voisiner. J’imagine tout cela assez complémentaire : par exemple, le parcours Pierres numériques est nocturne et spectaculaire alors que le mien est diurne et sensuel. Mes sculptures d’acier, en plein soleil, elles sont chaudes et, la nuit, elles sont froides ; le numérique n’a pas de température. En tout cas, la programmation de ce festival traduit une grande ouverture. »

Travaillez-vous tout de même avec un ordinateur ?

« Non ! Je fonctionne à partir de dessins, souvent élaborés inconsciemment, comme ceux d’un sténodactylo, des sortes de notes automatiques. Ce sont des formes qui parlent de soi, sans intention concrète. Ensuite seulement, je réalise des maquettes. »

Qu’est-ce qui distingue ce parcours à Metz de celui que vous présentez dans le même temps à Sarrelouis ?

« Il n’y a aucune répétition d’œuvres d’une ville à l’autre, à part deux sculptures ressemblantes. Et, surtout, le cadre est très différent : dans les remparts de Vauban pour la ville sarroise et, ici, en pleine ville. Une exposition urbaine, c’est une véritable chorégraphie. J’ai coutume de comparer mes sculptures à des danseurs qui proposent un spectacle temporaire. Ou à des touristes qui prennent le temps de visiter la ville, puis qui repartent en visiter une autre… »

"Une ambiance italienne"

Que saviez-vous de Metz, et qu’avez-vous découvert depuis le début de l’installation de votre exposition ?

« Bien entendu, je savais de Metz qu’elle avait longtemps vécu entre la France et l’Allemagne. Aujourd’hui encore, ce passé allemand se ressent alors que la ville est très française ! Évidemment, c’est pour moi, Allemand installé en France, une situation intéressante. Mais ce que je découvre, c’est une ambiance italienne par endroits, comme place Saint-Louis, ou place de Chambre. Je trouve que cela contribue à donner à la ville une certaine qualité de vie.  En tout cas, ici, on se sent dans l’Histoire. »

Pourquoi ?

« Parce que la ville ne commet pas l’erreur de beaucoup d’autres de se rénover sans conserver de traces du temps. Pour moi, c’est vital. Ça permet de respirer. Et le résultat est beau à voir car Metz a su intégrer le moderne dans l’ancien, comme ici, à la porte des Allemands. C’est difficile, pour les architectes, mais c’est exaltant. Cela permet à Metz de jouer dans la cour des grandes villes, avec énormément d’ambitions ! J’imagine d’ailleurs que l’implantation ici du Centre Pompidou y est pour beaucoup.  »