Démos, l'avenir en musique
Démos, l'avenir en musique
13 juin 2017
Des jeunes de Bellecroix, Borny, Metz Nord et du Sablon apprennent depuis six mois à jouer d’un instrument et, mieux encore, à former un orchestre dont le premier concert sera donné en décembre à l’Arsenal ! Immersion au cœur de l’opération Démos, Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale.
Article paru dans Metz Mag n°76 de juin 2017
Vous ne savez pas ce qu’est un tutti ? Eux, si ! Ils ont entre 7 et 12 ans, se comptent 120, habitent dans les quartiers populaires de Metz pour la moitié d’entre eux, dans 5 villes de Moselle-Est pour les autres. Une fois par mois, ils se retrouvent pour former un orchestre entier (un tutti !) et répéter tous ensemble ce qu’ils apprennent le reste du temps, deux fois par semaine, en ateliers, par groupe de 15. Cet orchestre n’est issu des rangs d’aucun conservatoire ni d’aucune institution musicale établie, mais d’un dispositif à vocation sociale intitulé Démos, pour Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale. Initié par la Philharmonie de Paris, il est ici mis en œuvre par l’Orchestre national de Lorraine (ONL) et la Ville de Metz, du Conseil départemental de la Moselle et de plusieurs partenaires publics et privés.
Un mercredi soir d’avril, à l’étage du centre Bon-Pasteur, à Borny. Violons et violoncelles sont de sortie, contrebasses aussi : remis aux enfants sélectionnés par la MJC du quartier quelques semaines plus tôt, ces instruments appartiennent pour 3 ans à leurs jeunes utilisateurs. Trois musiciens de l’ONL assurent l’encadrement, avec un travailleur social lui-même initié à la musique pour l’occasion. « L’archer doit bien rester droit ! Ce n’est pas facile, donc ouvrez l’avant-bras au maximum », lance David Mancinelli à ses élèves. Ce violoniste solo bien connu par exemple du public de l’Arsenal est habitué à donner des cours, mais c’est la première fois qu’il en administre à des jeunes gens jusqu’ici éloignés de la pratique musicale, qu’importe le motif (économique, social, familial…). « Les facultés de mémorisation, des gestes notamment, de la part des enfants sont assez remarquables, relève le musicien professionnel. C’est la preuve que les inégalités n’existent pas en termes de capacités : Démos bouscule bien des préjugés ! »
Pédagogie de groupe
Président de l’ONL et adjoint au maire de Metz chargé de la Culture, Hacène Lekadir observe de très près l’évolution de ce projet caractéristique de la volonté municipale de rendre les pratiques artistiques accessibles au plus grand nombre. « Et, dit-il, avec la musique classique, c’est plutôt à l’âge adulte que se construisent les barrières. Les enfants, eux, ne font pas de distinction entre les différents styles musicaux ! C’est l’un des enjeux de Démos : montrer que cette discipline a priori savante, réservée à une catégorie sociale, est en réalité ouverte à tous. » Mission d’ores et déjà accomplie, par exemple auprès d’Ahmad, 12 ans. « J’aime chanter et j’aime jouer du violon, explique-t-il. C’est un peu difficile au début, mais à force, ça va. J’ai beaucoup de chance. Mes frères et sœurs m’envient ! Tous les jours, je rejoue chez moi ce que j’ai appris ici. »
La pédagogie mise en œuvre repose sur le collectif et la transmission orale, afin de faciliter l’accès à un domaine auquel les jeunes sont peu familiers. Un chant de marin (Encore et hop !), mais aussi le si poignant Bella ciao, hymne universel à la résistance, figurent ainsi au programme des jeunes musiciens, en plus d’un extrait du répertoire baroque emprunté à Henry Purcell. Ce soir-là, à Borny, David Mancinelli lance à ses élèves une formule qui a valeur d’explication pour l’adulte de passage qui pourrait exprimer sa surprise d’entendre des violonistes chanter : « Voilà ! Comme vous avez appris à chanter, vous saurez ce que vous jouez ! »
« Cette pédagogie de groupe, à l’opposé de ce qui est de rigueur dans les cours particuliers, convient parfaitement à ces jeunes », souligne Dylan Corlay, chef de l’orchestre Démos Metz Moselle. Lauréat du concours international Panula de direction d’orchestre en 2015, le maestro de 32 ans emploie pour se faire comprendre de tous une sorte de langage des signes, le « soundpainting », élaboré dans les années 1970, à Woodstock, par un musicien américain. Il faut voir, lors des fameux tutti, comment l’échange entre le chef et ses musiciens débouche sur une composition en temps réel proprement bluffante.
Premier concert en décembre
Effectué en dehors du temps scolaire, Démos court sur trois années. Mais le premier concert est prévu dès la fin de la première année d’apprentissage, le 3 décembre, à l’Arsenal ! « Au bout d’un an, sourit Dylan Corlay, il sera temps que les jeunes goûtent à ce moment si particulier ! Celui-là durera une trentaine de minutes, mais ce sera surprenant, j’en suis sûr… » En 2018, l’orchestre s’essaiera aux musiques dites du monde, sans doute des Balkans, puis en 2019 à une création spécialement conçue par Dylan Corlay.
Voulu comme un vecteur de développement personnel des jeunes, Démos vise à leur ouvrir des possibilités d’avenir nouvelles. C’est cela qui est en œuvre, semaine après semaine : jusqu’en 2019, son déploiement national ambitionne d’impliquer plus de 3 000 enfants, au sein d’une trentaine d’orchestres, dans une centaine de villes et de villages. Lancé en 2010, le dispositif n’a pas seulement levé bien des freins sociaux : plus de la moitié des 2 100 enfants qui y ont participé ont ensuite intégré un conservatoire.
Démos Metz Moselle, c’est…
120 jeunes, âgés de 7 à 12 ans, répartis en 8 groupes de 15, encadrés par des musiciens et des travailleurs sociaux.
1 projet qui s’étire sur 3 ans, de 2017 à 2019.
5 rassemblements (tutti), plus 2 stages de 2 jours (l’un en avril, l’autre en décembre), en plus des ateliers organisés 2 fois par semaine au sein de chaque structure sociale. 1 concert pour la Saint-Nicolas.
1 projet entièrement gratuit pour les familles. Mis en œuvre par l’Orchestre national de Lorraine avec la Philharmonie de Paris, la Ville de Metz et le Conseil départemental de la Moselle, Démos bénéficie du soutien de l’Etat (contrat de ville), de la Caisse d’allocations familiales de la Moselle, de la région Grand Est et de plusieurs collectivités locales est-mosellanes. De nombreux mécènes privés apportent également leur contribution, notamment Demathieu & Bard Initiatives et Saint-Mihiel SAS.
À Metz, les enfants participants sont issus de 4 structures sociales : le centre social Pioche au Sablon ; l’Adacs (Association pour le développement des actions culturelles et sociales) à Bellecroix ; la Maison des jeunes et de la culture à Borny ; le centre social Lacour et l’Amis (Association messine interfédérale solidaire) à Metz Nord.
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